Valentin de Boulogne, le dernier caravagesque français

Pour continuer sur la lignée des peintres caravagesques je vais m’arrêter sur Valentin de Boulogne. Cet artiste français est descendant d’une famille de peintre ce qui potentiellement est à l’origine de sa formation. Pour expliquer au mieux la place du peintre dans le courant caravagesque je vais m’appuyer sur sa biographie écrite par Hugh Brigstocke du site encyclopédique Oxford Art et celle d’encyclopédia universalis. Les deux biographies restent succinctes car tout comme George de la Tour, sa vie est peu documentée et son œuvre globale souvent mal attribuée, vite confondus avec ceux de Caravage ou de Manfredi. Les deux artistes ont également en commun qu’ils ferment la marche au mouvement du Caravage en France.

 

Valentin de Boulogne aurait suivi une formation de peintre avec son maître Simon Vouet avant de partir en Italie comme il était coutume de faire pour les jeunes artistes au XVIIème siècle. A Rome d’ailleurs, il se joindra à l’association des Bentvogels, une réunion d’artistes nordiques. Très vite son style s’approche de celui de Bartolomeo Manfredi. Ce peintre italien fréquente l’atelier de Caravage et transmet la manière du maître à de nombreux artistes alors présent à Rome. Les sujets restent alors souvent centrés sur des scènes de genres ou des thèmes religieux qui sont encore une fois le résultat de l’influence du Caravage. Et effectivement le travail de Valentin de Boulogne ne s’éloignera pas vraiment des bases acquises du maître italien. Il tachera toutefois d’éclaircir ses compositions et de garder la couleur sans l’épaissir de tonalité brune.

Valentin-les-quatre-ages-national-galleryLes sujets qu’il choisi sont directement copiés du répertoire du Caravage et on retrouve même des compositions similaires comme Judith et Holopherne. Pourtant dans ses œuvres de maturité, Valentin développera des tableaux plus fins et moins violents. Il fusionnera le caravagisme et un style classique qui s’apparente au baroque. L’artiste s’interroge sur l’aspect psychologique des relations entre les personnages et montre certaines de ces introspections sur le visage de ses protagonistes. Par exemple dans la peinture, Les quatre âges de l’homme, les personnages présentent des sentiments différents qui reste dans le registre mélancolique. Ce travail émotionnel est l’une des caractéristiques principales qui le différencie du travail de Manfredi. Le clair-obscur est présent dans son travail et gagne en finesse à travers ses compositions.

En France, le travail de Valentin de Boulogne force le respect des artistes qui pourtant ne suivront que peu sa voie. En effet cet artiste est l’un des derniers suiveurs du Caravage et, à l’époque de la mort de l’artiste français, le style était abandonné. Les autres artistes qui prolongeront le style en feront, comme George de la Tour ou des peintres nordiques tel Ter Brugghen, une interprétation personnelle s’éloignant peu à peu du caravagisme pur.

George de la Tour, un mystère caravagesque

George de la Tour est un artiste français du XVIIème siècle pendant longtemps oublié. Son histoire est aussi mystérieuse que sa peinture qui porte un caractère reconnu comme caravagesque, ce qui nous intéresse ici. Pour m’entretenir sur cet artiste je vais d’abord m’appuyer sur l’article de Robert Fohr sur le site Encyclopédia Universalis. Décrit comme un artiste dont les œuvres sont peu nombreuses l’auteur en fait une biographie plutôt succincte.

L’artiste d’origine lorraine va rester une bonne partie de sa vie dans sa région natale. Sa vie n’est hélas pas bien connue et seulement des fragments permettent de reconstituer sa production artistique. On ne connait donc pas le maître à l’origine de sa formation artistique. De nombreux incidents mettront dans sa vie des obstacles à son succès. En effet, en 1638 sa ville de résidence Lunéville est incendiée, cela faisant suite aux dommages collatéraux de la guerre de Trente Ans. Cet incendie emportera avec elle une bonne partie de l’œuvre de l’artiste. Cependant des mentions de son nom comme peintre officiel du roi sont retrouvées et indique sa reconnaissance auprès de la cour. Le roi régnant Henri II étant fervent admirateur du Caravage commande à De la Tour des sujets similaires.

Les œuvres de la première partie de sa carrière sont considérés comme d’inspiration caravagesque. D’après l’auteur de l’article les sujets, l’inspiration réaliste et le cadrage des figures s’inscrivent ainsi dans le courant du peintre italien. George de la Tour est souvent décrit comme un peintre de « nuit » c’est-à-dire de scènes éclairées par une source lumineuse visible dans le tableau, autrement appelé luminisme. Au contraire dans les œuvres du Caravage, la source lumineuse est absente de la peinture. De la Tour s’inspire également dans ses œuvres de donner « aux êtres et aux choses les plus humbles une dimension spirituelle et inversement de trouver dans la réalité la plus prosaïque les motifs d’un art profondément religieux ».

Georges de La ToursDans l’œuvre de la Madeleine au miroir que nous avons choisi pour représenter notre blog, on peut y voir tout une dimension mystérieuse résultant de la lumière provenant de derrière le crâne. On peut voir qu’il s’agit d’une bougie pourtant nous ne sommes pas autorisés à la voir en entier ce qui renforce le mystère de cette toile luministe. Cette production d’œuvre relative aux « nuits » est à rattacher à la mode qui se développe dans les années 1630 partant probablement de Paris. De nombreux artistes européens faisaient le voyage en Italie et il est possible que George de la Tour en est fait partie ou qu’il est rencontré des participants. Tout est-il qu’il avait connaissance des styles contemporains et qu’il a su s’en inspirer.

Assez réputé à son époque, l’artiste semble avoir été oublié et la majorité de ses œuvres furent dispersées, perdues ou attribuées à d’autres artistes de la même période. Comme Hendrick Terbrugghen ou Gerrit van Honthorst qui sont des maîtres de la peinture hollandaises et dont la technique se rapproche de celle du maître français. Récemment et grâce à plusieurs historiens qui s’intéressent à son œuvre, des tableaux lui ont été réattribuées et on peut ainsi percevoir l’étendue de son travail sur la lumière qui l’avait fait connaitre au XVIIème siècle.